Bonas Fotio "Si nos dirigeants s’engageaient mieux dans la culture, on serait très loin"

Bonas Fotio « Si nos dirigeants s’engageaient mieux dans la culture, on serait très loin »

Publié le 2 mai 2017, par Mota__Savio
Bonas Fotio

Bonas Fotio

On a parlé avec Bonas Fotio, de son parcours dans les médias, de son expérience et surtout de musique urbaine au Cameroun. Au delà de ses espérances, l’animateur radio déplore le manque de d’investissement des pouvoirs publics dans les politiques liées aux industries culturelles. Entretien !

  • Salut Bonas. On dit quoi ?

Salut Mollah ! On est auletch et ça fait plaisir d’avoir cette plate-forme d’expression qui donne parole et vies aux cultures africaines !

  • C’est ta 1ere fois sur Au Letch. Peux-tu rappeler aux letchois ton parcours ? On veut savoir…

Je suis un animateur de radio, influencé par le hip hop et les musiques urbaines dérivées, avec un background de juriste. A Bafoussam où je suis né, j’écoutais énormément Serge Pouth, Léonard Châtelain. La rencontre avec lui m’a d’ailleurs beaucoup motivé. J’écoutais aussi beaucoup Claudy Siar dans l’éternel Couleurs Tropicales, et surtout le très cultivé Amobé Mevegue, le brillant jongleur de mots, qui, sans le savoir m’a embarqué à distance « plein sud » pour une plus grande passion de la radio. Ayant rejoint la radio universitaire de Dschang, je profitais souvent de la connexion internet fluide la nuit pour écouter la radio sur le web. Je dormais à la radio pour ça. Et c’est là que j’ai bâti mon style, ma façon de parler, de donner un sens à chaque syllabe. Ma toute première émission, en référence à la chanson de Yannick Noah, s’appelait Saga Africa, une vespérale autour de la musique africaine. Habib Koité, Krotal, Les Nubians, Sultan Oshimin, Richard Bona régnaient dans mes playlists.

A Douala, désormais décidé à m’accomplir par la radio, je suis passé par une chaîne info, Hit Radio, où je présentais le journal ! (lol), que j’ai dû abandonnée pour RTM en 2011. C’est dans cette chaîne que j’ai signé en 2012 mon premier contrat d’animateur de radio. En plus de la matinale que j’animais, j’ai monté un programme plus personnel, LE METRO DU SOIR, un show vespéral en fin d’après midi et en début de soirée, que j’ai animé pendant près de 5 ans. C’est là que j’ai commencé réellement à « écrire mon nom ». C’est en Novembre 2016 que je suis allé à Médiafrique Radio 99.9FM Douala, pour animer le M.A. Morning de 6h à 9h. Ici j’ai retrouvé mon ami et frère d’une autre mère, Brice Albin Yamedzeu, un ancien de Bafoussam également, que j’avais rencontré à Dschang.

 

  • On t’a connu pour la plupart dans « Le Metro du Soir » sur RTM. Qu’est-ce que tu retiens de ton passage là-bas ?

Du Métro du soir, je retiens une vitrine qui m’a permis de m’accomplir en tant qu’animateur de radio. D’être respecté dans le milieu et par ma famille. L’émission était au départ très généraliste dans sa playlist. J’ai interviewé les Kassav, Manu Dibango, Richard Bona, Jocelyne Labylle, Stéphane Dayas, Etienne Mbappè ou Ray Lema. Mais en 2013, il s’est passé quelque chose d’incroyable. J’ai rencontré Jules Nya, CEO du label Mumak (Music Makers) qui avait signé à l’époque des inconnus nommés Jovi, Magasco, Reniss, Mr Elad…Il nous les présentait comme l’avenir ! Si vous regardez la physionomie de notre écosystème musical aujourd’hui, vous comprendrez qu’il était visionnaire.

Avant, entre le bikutsi, le makossa, la « world music », le hip hop et la pop des USA et d’Europe, je diffusais souvent le hip hop kamer. Mais en découvrant ces artistes dont la culture anglosaxonne incarnait une fraîcheur inouïe, mes playlists ont changé, pour se consacrer presqu’exclusivement à eux. Et ça n’a pas été vain. Nos prévisions étaient bonnes. Stanley Enow, avec son irrésistible Hein Père, d’une grande première pour un artiste camerounais, a gagné un award aux MTV Africa Music Awards. Cette révélation nationale et internationale a davantage conforté l’engagement du Métro du Soir et son animateur dans la promotion des jeunes rappeurs, chanteurs, sound producers, video directors qui font aujourd’hui vibrer le Cameroun et l’Afrique. Ça a été un beau parcours, parsemé d’embûches, mais très enrichissant.

  • Depuis quelques mois, tu réveilles la ville de Douala dans « Ma Morning » sur Mediafrique. Comment se passe ce changement de fréquence ?

Le changement de fréquence m’a amené à un changement de vie. Maintenant je me réveille plus tôt. 4h30 pour prendre l’antenne à 6h. Je faisais déjà ça sur RTM. Mais pas tout le temps. Le M.A. Morning est une matinale urbaine. Adapteé pour le citadin qui se réveille et se gave d’infos fraîches, dans un savant mélange d’humour et de sérieux, en écoutant le dernier tube de Mr Leo ou de Tenor.

  • Parlons de musique urbaine. Mollah que penses-tu de la scène dite « urbaine » aujourd’hui ?

La scène urbaine musicale est très dynamique. Dominée par le hip hop et les musiques influencées par le Hip Hop. Ou simplement des artistes de hip hop qui sortent des frontières traditionnelles du rap ou du rnb pour marier le benskin avec l’afropop, pour marier le rap et le bikutsi. Tenor est une pépite dont l’effervescence promet une carrière à suivre. Des producteurs de son ont réussi à créer leur « son » qu’on peut reconnaître entre milles. Jovi, Pazzo ou Salatiel sont parmi les références de ce type là. Des chanteurs comme Locko, Mr Leo ou Magasco montrent que les belles mélodies ont une force irrésistible. Depuis Hein Père de Stanley Enow et l’award qu’il a gagné aux MTV Africa Music Awards en 2014, beaucoup de vocations sont nées. Nombreux sont les artistes qui sont sur une bonne voie aujourd’hui, qui n’auraient jamais espéré faire carrière en 2009. Il y a réellement un engagement visible, des artistes aux médias, des labels aux jeunes organisateurs d’événement. Grâce à Internet, les gens se font plus facilement connaître. Pas seulement via Facebook et YouTube. Avec l’émergence de médias comme Auletch, J237 Radio, Thara Tv, les artistes ont un champ plus vaste et plus accessible pour s’exposer et s’exporter. Malgré ce travail militant, une grande barrière demeure : l’absence de l’engagement de l’Etat. Il n’y a pas de cadre pour permettre aux talents de devenir des succès, pour permettre même de répliquer les succès qui arrivent à se mettre en place tout seuls. Si le Cameroun est une terre d’attractivité, il faudrait encourager l’investissement dans l’industrie culturelle à travers des réformes incitatives qui transformeraient les jeunes labels existant en des sociétés plus solides, comme on en a vu au Nigeria ou en Afrique du Sud, ou même à échelle plus petite en Côte d’Ivoire. Sans ça on se retrouvera toujours avec artistes qui montent et rechutent vite, des événements qui naissent et disparaissent vite. Vous voyez un artiste arriver sur la scène du Douala Hip Hop Festival, bourré de talent et de volonté, vous le recevez à la radio, il cartonne ensuite avec un single, mais après, on ne le voit plus beaucoup malgré ses prix et malgré son disque d’or. Si nos dirigeants s’engageaient mieux dans la culture, on serait très loin.

 

  • Quelles sont tes espérances pour la musique urbaine au Cameroun ?

J’espère que les artistes ne vont pas s’arrêter de créer, que tous les acteurs qui gravitent autour de ce filon vont rester passionnés. En mettant le meilleur d’eux-mêmes pour creuser de nouvelles pistes d’originalité. En travaillant plus dur pour que nous ayons des prestations plus live, plus intéressantes. Surtout, que le public soit toujours plus intéressé, cultivé surtout. Parce que, si on a un président qui a grandi en écoutant Krotal ou Richard Bona et qui veut que le Cameroun continue à avoir de si bons artistes, il peut peut-être agi. Et s’il ne le veut pas, le public, cultivé et averti, pourrait l’y contraindre grâce aux mécanismes démocratiques…

 

  • Avant de se séparer, ton affaire de #IloveMyJob c’est encore quoi non ?

(Rires) I Love My Job est une mini campagne que j’ai lancée pour permettre aux travailleurs de dire pourquoi ils aiment leur boulot, en prélude à la journée internationale du travail. Dans un pays où le chômage bat des records, où trouver un travail relève parfois du miracle, il semble important que ceux qui ont la chance d’être déjà professionnels partagent leurs convictions avec ceux qui cherchent du travail ou qui veulent entreprendre.

 

  • Pour finir, comment se passe tes journées au quotidien ? Les letchois veulent savoir.

Mes Journées se passent entre chez moi, la radio, les rendez-vous, les scènes, les rencontres afterwork et mon investissement dans des projets plus perso dont je parlerai en temps opportun.

 

  • Merci pour cet entretien Bonas. Un dernier mot aux letchois ?

Chaque jour est un nouveau monde et chaque idée est une nouvelle aventure. Ne laissez jamais qui que ce soit vous faire croire que vous ne réussirez pas. Et surtout, ne perdez jamais attache avec les bonnes vieilles valeurs du létch.

 

Auteur : Mota__Savio

Mollah, moi je suis Africain hein ! Camerounais et fier de l’être. Team: Vert-Rouge-Jaune ô Bosso. Internet ma muse, je n’oublie pas pour autant le ndolè et les missolè de mes ancêtres. Bref, je suis un gars comme vous : Un gars « connecté ». Hein ! Mollah