Retour sur le passé oublié des vestiges du port négrier de Bimbia au Cameroun

Retour sur le passé oublié des vestiges du port négrier de Bimbia au Cameroun 

Publié le 16 août 2017, par Charly ngon

L’évocation du port de Bimbia ne veut peut-être pas dire grand-chose pour la plupart d’entre nous. Ce qui peut-être compréhensible dans la mesure où, pendant longtemps ce site est resté dans un anonymat total. Pourtant Bimbia comme l’île de Gorée et bien d’autres lieux de vente d’esclaves, fait partie des ports les plus importants ayant servi comme comptoir négrier et zone de transit d’esclaves noirs vendus vers les Amériques. Aujourd’hui grâce aux recherches scientifiques, Bimbia nous livre les secrets de son histoire.

© Franck Mensah Gampson

 

L’histoire raconte que par million les esclaves ont été vendus au port de Bimbia. Dans les livres  ou encore dans certains documentaires, on a laissé croire pendant longtemps que l’ile de Gorée (Sénégal), le port de Ouidah (Benin) ou encore la Gold Coast(Ghana) étaient les seuls véritables zones où le commerce des esclaves était pratiqué. Pourtant le port de Bimbia qui est situé dans la localité de Dikolo, plus précisément dans le département du Fako, au large de l’Atlantique a été aussi une plaque tournante très importante dans le commerce transatlantique.

Il a servi de comptoir d’échange entre les chefs qui vendaient hommes, femmes et enfants, en échange des produits venant de l’occident. D’après certaines recherches américaines, on compte au nombre de treize bateaux qui auraient transportés un total de 2393 hommes à travers le Cuba, Brésil, Jamaïque, Caroline du nord et la Guyane. Mais pour le Dr Lisa Marie Aubrey de l’université d’Etat d’Arizona dont les recherches sont consacrées sur la traite des noirs, le nombre serait plutôt d’un million d’esclaves noirs partis du port de Bimbia. Beaucoup plus que dans l’ile de Gorée.

© Franck Mensah Gampson

Certains esclaves étaient achetés dans les marchés de l’intérieur du pays qui avaient  une réputation. Les localités de Banka et de Bakou dans le Haut-Nkam qui servaient non seulement des lieux d’entrepôts et de transits d’esclaves en direction du Moungo, à Bayangam dans le Koung-Khi avec son quartier d’esclaves de Tougwou Mpou, Kamna à Bangwa dans le Ndé, qui était un grand marché d’esclaves de la région et enfin dans la localité de Ndikiniméki, située  dans la vallée du Mbam, qui servait aussi d’entrepôt et de zone de commerce d’esclaves.

Il se raconte que le roi Bilé, surnommé le King William I of Bimbia par les Anglais, aurait convaincu les autres chefs des quatre localités que compte Bimbia à se lancer dans le commerce des esclaves au regard des bénéfices que cela rapportait. Une activité qui a continué même après l’abolition de l’esclavage à Bimbia. L’un des rois le plus craint était Kingue. Lorsqu’il voulait vendre des esclaves, il envoyait un émissaire chez la personne choisie.

© Franck Mensah Gampson

A la vue de celui-ci, le futur esclave savait déjà ce à quoi s’attendre, il avait juste le temps de faire ses adieux. En cas de riposte, toute la famille était embarquée et enfermée dans une case construite dans la cour royale. Lorsque l’acheteur d’esclaves arrivait avec ses produits, le roi laissait le soin à sa femme de faire le choix et si le deal était conclu, il était libre de repartir avec une dizaine d’esclaves à son choix. C’est ainsi que durant 400 ans de commerce transatlantique d’esclaves, le Cameroun comme d’autres pays africains engagés dans cette activité a perdu ses nombreux fils.

En  1987, le port de Bimbia sort définitivement des oubliettes de l’histoire et est classé au patrimoine national du Cameroun. Sous le programme de l’association américaine Ancestry Reconnection program lancé en 2010 et financé par le gouvernement américain, de nombreux  afro-américains ont pu retrouver leurs origines africaines jusqu’à Bimbia. Parmi les personnalités afro-américaines ayant effectuées les tests d’ADN pour reconstituer leur généalogie, on a : le réalisateur Spike Lee, le producteur de musique Quincy Jones, l’animatrice vedette Oprah winfrey ou l’ex-secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice qui auraient des origines camerounaises.

© Franck Mensah Gampson

Aujourd’hui par devoir de mémoire, les pouvoirs publics ont lancé plusieurs projets devant servir à  collecter et de reconstituer les vestiges de ce lieu historique, qui vont être exposés dans un musée national construit dans la localité de Bimbia. Pour le Dr Lisa Marie Aubrey, le port de Bimbia doit être un lieu de pèlerinage, tout comme Gorée, où chaque année des touristes viennent apprendre l’histoire du peuple noir. Une histoire qui doit être mis au programme des enseignements de peur qu’elle reste à jamais dans l’obscurité. Mais pour d’autres observateurs, le port de Bimbia doit être inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO au regard du lourd passé qu’il possède. Des siècles après cette tragédie, les vestiges du port de Bimbia sont presque restes intacts.

Auteur : Charly ngon

Molah ne te fie pas à mon name, je ne suis pas un mbenguiste, je suis du bled comme toi. Les hauts et les bas sont notre quotidien, donc ne fia pas c'est entre nous quoi ... comme au letch