Pourquoi ne parlons- nous pas assez nos langues maternelles ?

Pourquoi ne parlons-nous pas assez nos langues maternelles ?

Publié le 23 août 2017, par Charly ngon

C’est souvent bizarre de vivre une scène où deux individus, en pleine conversation, l’un demande une information en langue maternelle à l’autre, croyant avoir tout naturellement une réponse en langue maternelle, obtient plutôt le contraire. Imaginez un peu la réaction. Hilarant c’est vrai, mais le constat est là, nos langues maternelles sont moins parlées et sont sur le chemin des oubliettes. Pourquoi sont-elles moins parlées ? A  qui la faute ?

L’élève Styve Pokam Taabo du Lycée de Nkolmesseng de Yaoundé présentant son cahier de langues nationales. ©http://magazin.journafrica.de

Selon un rapport du ministère de l’Education de Base produit, lors de la 12 eme édition des festivités marquant la journée internationale des langues maternelles, le Fulfulde (Extrême-Nord, Nord et L’Adamaoua) est l’une des langues les plus parlées au Cameroun avec 5 millions de locuteurs, le Béti Fang (centre et Sud) est la deuxième langue de ce classement avec 2 millions de locuteurs. A la troisième place, le Yemba dans l’Ouest est crédité de 300. 000 locuteurs, suivi dans cette même région du Gomala (260.000 locuteurs), du Bassa (230.000 locuteurs) dans le Centre, le Medumba (210.000 locuteurs) puis le Shupamum (200.000 locuteurs) encore dans l’Ouest. Avec 63.000 locuteurs déclarés, l’arabe (Extrême-Nord) occupe la dernière marche.

Des chiffres impressionnants. Encore que lorsqu’on parle de locuteurs ce sont ceux qui s’expriment parfaitement en langue maternelle. Laissons un peu les chiffres pour parler du concret. Au Cameroun, vous allez trouver une catégorie de personne qui s’exprime très bien en langue maternelle, mais a peur de s’exprimer en public, l’autre catégorie de personne qui comprend bien ce qu’on  dit, mais va répondre en français, puis la catégorie de personne qui parle très bien et sans complexe, mais celle-là est rare comme une jeune fille en Kaba Ngondo et la dernière catégorie, c’est celle qui rit aux éclats quand on dit que tel a le gros ventre, alors qu’il ne comprend rien de rien.

Alors pas besoin d’un baromètre pour constater que nos langues maternelles sont très peu utilisées. Voire pas du tout. C’est vrai nous sommes phagocytés par les langues que nous avons héritées de la colonisation que sont le français et l’anglais. Mais notre véritable problème c’est la honte de parler notre langue, surtout en public. Qui se souvient des paters qui désireux de payer la scolarité tamponnait un gars avec le boys band le plus en vue du bahut. Quand le pater posait une bindi question en langue maternelle au milieu de tes gars, tu commences à réfléchir, et par peur des moqueries, tu lui sors une réponse en français pour couper court.

Parfois même entre collègues de service, il y’a des gênes à s’exprimer en langues maternelles, pas parce qu’on ne peut pas, mais justement pour éviter les intrigues du genre, mon frère c’est quel patois encore comme ça ? Ou encore mon frère tu veux seulement réveiller les morts avec ton patois ?  Pas évident n’est-ce pas ? Mais notre culture reste ce qui nous est chère. Face à ce vide, les langues dites « urbaines » en ont profité pour gagner  du terrain, au point où certains ont même sortir des dictionnaires pour mieux naviguer dans ce nouvel univers langagier. Bien que celles-ci soient un melting pot de nos différentes langues maternelles et des langues étrangères, cela ne permet pas de parler très bien nos langues maternelles.

Dans les familles, elles sont utilisées par les parents qui se laissent entraîner dans cette mouvance. Du coup à la maison il n’y a que les parents qui ne parlent qu’en langue maternelle, au malheur des grands- parents qui ont la peine de communiquer avec leurs petits-fils. Lorsque la communication devient vraiment impossible, on fait appel à la gestuelle pour exprimer ce que l’on veut, ce sont les moqueries des grands-parents que tu veux voir ? Quand bien même ils essayent de vouloir rattraper le coup, en nous enseignant quelques expressions de base de la langue maternelle, personne n’est vraiment intéressé. Elle est loin l’époque des grandes vacances où les enfants avaient le privilège d’aller au village pour apprendre à s’exprimer en langue maternelle.

Alors le 21 Février, ça vous dit quelque chose ? Pas sûr d’avoir la bonne réponse (sauf les connaisseurs bien sûr), et bien c’est la journée internationale des langues maternelles. Elle a été instituée par l’UNESCO, pour promouvoir les langues maternelles dans le monde. Au Cameroun chacun essaye comme il peut. Certaines initiatives sur le plan local sont mis en œuvre pour permettre l’apprentissage des langues maternelles, les cours de langues Duala sont organisés par la Canton Bell chaque vacance, les cours de Gomala et bien d’autres encore dans certains établissements. On note aussi le projet de l’Association nationale des comités de langues au Cameroun (ANACLAC), qui a assuré la formation de plus 300 maîtres ayant des aptitudes à s’exprimer en langue officielle et maternelle.

Par ailleurs, il existe des initiatives comme ‘‘Je Parle Bassa 2.0’’ qui se positionne sur un apprentissage et une communication participative et interactive ayant pour but l’acquisition facile et rapide des bases de l’une des langues du Cameroun, le bassa. Pour cette raison une application mobile est entièrement dédiée au Bassa depuis quelques mois.

Mais au regret de constater que toutes ces initiatives n’apportent vraiment pas une solution au problème. Les autres langues ont tellement pris le pas sur les nôtres que, ce n’est pas facile de rattraper cette disparité. Pire encore, permettez l’expression, les gens ont tout simplement honte de s’exprimer en leur langue maternelle.

Alors va-t-on baisser les bras pour autant, vous avez la parole chers letchois.

 

 

Auteur : Charly ngon

Molah ne te fie pas à mon name, je ne suis pas un mbenguiste, je suis du bled comme toi. Les hauts et les bas sont notre quotidien, donc ne fia pas c'est entre nous quoi ... comme au letch