Mbeng et l’Afrique : deux pôles, trois visions - Auletch

Mbeng et l’Afrique : deux pôles, trois visions

Publié le 26 août 2013, par LGM

mbeng_afrique

Tout commence par un tweet envoyé à LGM (blogueur d’auletch.com) par Na Tilà (une mondoblogueuse active). Je sais, vous ne les connaissez peut-être pas. Ce sont des plumes qui aiment rester des fois anonyme … Peu importe ! Petit à petit, dartnaud (blogueur d’auletch)  rejoint la conversation. Ils échangent et Na Tilà comot* une idée de génie comme elle en a seule le secret : Pourquoi ne pas écrire un article tous les trois ? Genre un featuring comme les musiciens. Ils ont adhéré à l’idée et voilà, ils ont décidé de vous donner trois visions de ces deux pôles que sont Mbeng et l’Afrique, notamment du Cameroun.

C’est ainsi que dans un premier temps @dartnaud nous parlera des clichés, des idées reçues, des préjugés qu’ont les africains sur Mbeng. Ensuite @lionelby donnera sa vision de l’Afrique vu par un Mbenguetaire. Enfin @ibohn terminera en nous parlant d’un éventuel retour au bercail, est-ce une bonne idée ou pas ? Nous attendons bien sûr vos avis en commentaires.

@dartnaud

Wouèhèèè, la télé et internet ont gâté le cerveau des Africains ! Et comme si ça ne suffisait pas, les feymen* sont venus augmenter pour eux avec leurs belles voitures, leur belle maison … bref, leur vie quatre étoiles. Je ne parle même pas des magasins comme l’ancien Score, face Cathédrale de Yaoundé – le magasin des Whites*, où on te vend un kilo d’orange à 10 000 FCFA alors que juste devant tu as une mater* qui te vend le sac d’oranges à 2500 FCFA, avec le cadeau sur ça. Avec ça, plus de doute possible :  en Mbeng, il y a les do’os* !

Je n’oublie pas les tontons qui viennent en décembre passer leurs congés, avec tous les cadeaux high-tech que les nièces et neveux ont ask*. Ces tontons qui farotent* n’importe comment quand ils sortent en boite ou quand ils reçoivent la visite de cousins éloignés ; ces tontons qui donnent le vin à tout le quartier … bref ces tontons-là qui ont soit disant réussi en allant en Mbeng. Comment ne pas rêver de l’Europe quand tu vois tout ça ? Comment ne pas rêver de l’Europe quand tu finis tes études universitaires et tu dois compter sur quelqu’un qui est quelqu’un quelque part pour trouver un job de niveau Bac ? Ça c’est même pour ceux qui ont school* longtemps hein ! Ma sœur qui a jeté son ardoise au CE1 et qui ne compte que sur son cher triangle d’or pour s’en sortir, elle  va trouver son Blanc sur internet. Il va la sortir de la misère, sa famille avec ! A l’heure-là eiiin? C’est pour vous là-bas ! En Mbeng, on ne souffre pas ! Il y a les do’os soc-soc*, et même ceux qui souffrent hein mola’a* … ils ne sont pas pauvres notre qualité ci. En plus, on dit que l’Afrique est maudite (rires). Regardez les guerres et les famines qu’il y a partout, est-ce que vous avez déjà vu des images de guerre ou de galère à la tv des Whites? En tout cas, Koppo* avait lui déjà speak* : « Fait quoi, fait quoi, je vais go ! »

Excusez-moi, mais même nos programmes scolaires ne nous enseignent pas le contraire. Ce sont les Blancs qui nous ont colonisés, ce sont ces même Whites qui ont construit nos routes et chemins de fer qui n’ont pass évolué depuis leur pseudo départ. Ce sont les Blancs  qui ont bring* la médecine et la Bible. Toutes les grandes inventions du XIXème siècle, c’est eux ! Wouahaa ! Dans aucun manuel, on ne nous speak* d’un passé glorieux noir, sinon des Ethiopiens qui avaient win* une armée d’iItaliens là – c’est sûr qu’ils avaient jon* la veille dans l’armée là parce que jusqu’à présent je wanda* sur ce général italien #justforfun.

Pourtant je suis sûr que le passé africain n’est pas que tristesse et échec. La civilisation égyptienne, les Pyramides, la civilisation Sao, les Dogon du Mali, le Dahomey, le royaume Ashanti et même certaines inventions du XIXème siècle ; je suis convaincu qu’il y a la main des Noirs dedans. Hélas ! On ne nous en parle pas suffisamment ou alors au bon moment . Tout cela contribue à entretenir cette vision paradisiaque que nous avons de Mbeng. Wouèhèèè ! Préjugés, quand tu nous tiens ! Tant que nous n’avons pas vu de nos propres yeux, tu ne nous lâche pas. Mieux je laisse LGM vous parler de sa vision de l’Afrique depuis Mbeng.

 

@lionelby

Un Rêve devenu Réalité … voilà ce qui résonne dans la tête quand, après s’être battu comme un lion, on finit par obtenir un visa pour ce Paradis qu’on a toujours imaginé, MBENG !
On s’est fait une idée de la vie de rêve qui nous y attend, l’eldorado qui changera notre vie, et même celle de nos proches ; Mbeng* est devenu plus qu’une passion. Seulement sur le terrain, les jours commencent à défiler, les mois chantonnent des airs de déceptions, les saisons se succèdent mais pas les réussites ; le Ndem* n’est plus seulement un mot d’argot mais un fait palpable, on le vit. On découvre la réalité du terrain, tout le contraire de ces préjugés futiles longtemps exhibés tel le slogan d’un parti politique le jour du défilé du 20 mai. On déchante très vite, on s’adapte, on se bat comme deux lions pour vivre et survivre, pour atteindre ses objectifs ; pas de place pour la honte, encore moins pour les dormeurs sans cœurs.
5, 10, 15, 20 années ont passé ; on n’est plus le même, le discours a changé, le comportement aussi, certes le poids de l’âge mais surtout, malgré la réticence, ce mot qui nous rattrape : intégration. A l’époque au pays, on se disait « je ferais-ci, je ferais-ça, je ne serai pas chiche comme tel tonton qui vient souvent en vacance, j’appellerai mes amis du pays au téléphone tous les weekends, je leur ferai des mandats régulièrement, je serai fidèle à ma titulaire* restée au kwat*, je viendrais ndjoka* chaque décembre au mboa*, … » Or, sans s’en rendre compte, on devient exactement comme ces tontons-là, voire pire qu’eux. La réalité nous a rattrapés, on est intégré !!
On a quand même eu l’opportunité de rentrer quelques fois en vacance au bled. L’esprit n’étant plus le même, on y est en mode Mbenguiste, jamais sans sa bouteille de Tangui*. On critique ma’a Pau, la vendeuse de beignet à cause de son torchon accroché à la porte à cause de sa couleur poussière. On fait le sceptique devant ma’a Therèse, la vendeuse de poisson braisé à cause de la rigole juste derrière son lieu de travail ; on est devenu Mbenguiste Maître Sanitaire – il manque seulement le badge qui va avec. Même Aboki, le vendeur de soya* n’est pas en reste, on montre du doigt son tablier qui jadis fut blanc.
On réprimande nos petits frères et sœurs sur des actes inacceptables selon nous ; ils ne l’ont pourtant pas copié bien loin. On donne des conseils à tout va, Mbenguiste Maître Conseils. On se plaint des conditions de vie, de la situation sociale, de la pauvreté, en demandant à tout le monde comment ils font pour vivre, et arguant qu’un retour définitif serait impossible au vu de tout ça – Mbenguiste Déraciné.
On oublie pourtant une chose, une chose très importante : on est né dedans, on est né dans cette Afrique-là, on est né dans ce pays-là, on y a grandi ; Cette vendeuse nous a nourri de ses beignets tous les jours, et celle-là de son poisson tous les soirs ; On y a joué dans la poussière, on s’est assis dans la boue, on a été pire voyou que nos frangins, pire menteurs que nos politiciens. Cet environnement n’a pas changé, il est le même que ce qui nous a fait.
Arrêtons de nous placer en moralisateurs avec nos airs d’Etranger-sur-sa-propre-terre et rappelons nous que notre terre ne saurait nous être hostile. Il est temps de comprendre qu’il y a matière à  développer ces potentialités dont regorge l’Afrique. STOP aux prétextes d’instabilité politique, de corruption, chômage, et autres. Ça a toujours existé et on vivait très bien avec. La bloggeuse @ibohn est mieux placée pour vous donner un point de vue sur l’idée de retourner au bercail ou pas.

 

@ibohn

Peuvent-ils rentrer au bercail ? Je vis au pays. Je ne connais que le Cameroun. Et je suis de la génération on s’en fout un peu du gouvernement, ses concours, ses  actions gouvernementales pour le développement. Les dés sont pipés. On n’a pas besoin de vous faire un dessin. On est quelqu’un derrière quelqu’un au pays. Alors nous qui n’avons personne. Comment nous nous en sortons ?

Je ne vous mentirais pas. Je suis diplômée de l’Université de Douala. Et je n’ose vous dire la réputation qu’elle a dans les cabinets RH. Il n’y a que  les grandes écoles qui peuvent prétendre à un poste. Il ne reste que les concours de la fonction publique pour nous sauver. Ça commence mal, je vous l’accorde.

J’ai fait passé deux ans au chômage avant de comprendre que « le letch a les dents ». On va faire comment ?  J’ai porté ma valise de diplômes, toqué à toutes les portes, croyant à la valeur de mon diplôme … le nombre de décharges que j’ai récolté, je ne vous dis pas. Bref ! J’ai très vite retourné ma veste. Sur les conseils de la génération sacrifiée (36-40 ans), j’ai opté pour le libre entreprise.

 

Libre entreprise au Cameroun

Ça marche ? Oui !  Il faut de la persévérance, pas forcément de quelqu’un derrière quelqu’un, mais des services de qualité et des compétences. Parfois lorsque j’entends ce qui sort de la bouche de la diaspora, je me demande parfois s’ils ont vécu ici. Rentrer chez soi, c’est suicidaire ?

C’est dur ici, très dur. Mais on ne crève pas de faim si on se bat. On ne crève pas de faim si on sait  retrousser ses manches, si on sait se lever tôt. Si on sait chercher soi même. Si on n’attend pas l’aumône du gouvernement, d’un frère, d’une sœur bien placé. Ce qui marche au Cameroun, c’est la Libre Entreprise. Proposer ses services. Prouver ses compétences. Ne rien lâcher lorsqu’on croit que tout est perdu. Se couper une bière de temps en temps. Manger le soya, le 50/50. Insulter les Lions Indomptables. S’engueuler dans les taxis avec les chauffeurs sur  les conditions de vie, les jupes qui se raccourcissent de plus en plus au fil des années, les #NdemDuTakesh (cc Loic Nkono.)  Rester au bar après le boulot. Aimer les fériés puisqu’ils nous donnent l’occasion de souffler. Détester la fête du travail, puis qu’elle nous rappelle la précarité du notre …

Au Cameroun, c’est dur, très dur. Mais nous qui y vivons, on n’en meurt pas. Nous sommes la génération qui ne demande rien à personne, qui va chercher ses marchés, qui proposent ses compétences, qui finit par se faire entendre. Si vous n’avez pas ce spirit of fight ? Ne revenez pas ! Ici, aucune molécule de lactose n’est donnée !

Allez,
Son’a ponda !

 

Légende:

– Comot = Come Out, sortir                          – Ask = Demander
– Mbeng = Etranger                                        – Mater = Mère, Maman
– White = Blanc                                               – Faroter = Distribuer, Partager de l’argent
– Wanda = Etonné                                          – School = aller à l’école, au lycée, à l’université
– Ndem = Malchance                                     – Mola’a = Gars
– Feyman = Escroc                                          – Soc-soc = A gogo, beaucoup
– Kmer = Camerounais                                  – Koppo = Artiste Musicien Camerounais
– Bring = Apporter                                          – Speak = Parler
– Win = Gagner                                               – Jon = Boire
– Titulaire = Copine                                        – Ndjoka = fête
– Kwat = Quartier                                            – Mboa/Letch =Bled
– Tangui = Marque d’eau Minérale            – Do’os = Argent
– Minalmi = Mon Oeil

Auteur : LGM

Passionné d’art contemporain et de culture afro, j’aime la cosh, l’humour et l’écriture. Regardeur de jolies filles au carrefour (sauf en hiver), ancien katika au Djambo, j’adore la combinaison okok + saucisse de manioc en robe de raphia et fibre de bananier. Mon tag préféré : ‘’sourire’’.