Le Kumba m'a tué - Auletch

Le Kumba m’a tué

Publié le 30 juillet 2014, par LGM

kumba

Jeune Camerounais vaillant de mon état, j’ai toujours pris plaisir à monter de petites affaires pour me faire un peu d’argent et vivre modestement. Je viens d’une famille pauvre et je n’ai eu d’autre choix que de me battre dans la vie en essayant tant bien que mal d’avancer dans les études.

J’avais une petite boutique de fringues à un carrefour très fréquenté de la capitale. Avec la patience et la persévérance, j’ai réussi à nouer de bons contacts et avoir des clients fidèles. Mon business tournait bien, au point où j’envisageais d’ouvrir une autre boutique dans un autre quartier.  J’ai plusieurs amis d’enfance qui vivent en Europe. Certains reviennent souvent durant les vacances, affichant leur réussite avec des billets de banque. A force d’observer ce cinéma, l’envie d’émigrer vers ce soi disant paradis – l’occident – a grandi en moi et je me suis mis à chercher le réseau du voyage. Il fallait juste toucher les bonnes personnes et avoir les ronds qu’il faut. Trop vieux pour travel* comme footballeur, j’ai dû faire un tour à Kumba* pour tailler mon âge. C’était une condition sinéquanone pour obtenir le visa, ce que j’ai fait sans réfléchir.

Me voici donc en Mbeng. Au début, je gérais un peu, mais après c’est devenu chaud financièrement. J’ai mis en avant mon statut de mineur, ce qui m’a permis d’être pris en charge et d’avoir les kaolo*. J’ai aussi trouvé un petit job. Mon frère, voilà qu’au work*, il y a des mbindis* de mon âge officiel – le kumba – qui me manquent de respect. J’ai souvent envie de les gifler franchement car je suis leur big* en réalité, mais je ne peux pas, je suis obligé de supporter.

Avec mes nouveaux potes, bien sur plus jeunes que moi, on se retrouve souvent à jon* dans les bars. A quatre verres, les gars sont déjà témé* ; alors que c’est à ce moment là que je commence à prendre goût. Au pays, les Guinness, ça me connaissait !

Même avec les nga*, c’est compliqué. Quand je drague une du même âge que moi, elle me barre en disant que je suis trop jeune, surtout quand elle voit ma carte d’identité de Mbeng. Et quand je sors avec une autre qui correspond à mon âge de Mbeng, je ne peux pas lui dire la vérité car elle me fuira. Je fais comment ? Je suis troublé …

Toujours à cause de mon âge que j’ai cut*, j’ai perdu tous mes anciens diplômes que j’ai eu au pays, je ne peux plus les utiliser. J’ai dû renoncer à tout ça pour pouvoir came en Europe. Obligé de recommencer le school pour les avoir à nouveau. En réalité, j’ai 25 ans, même si je ne les fais pas physiquement. Sur mon kumba, j’ai 16 ans et en Mbeng on m’a fait recommencer en troisième. Quand je m’imagine dans 10 ans, j’ai flippe sérieusement.

Cette double vie me suit partout et à tous les niveaux, je me demande si j’ai fait le bon choix : tout abandonner sans penser au futur … Aujourd’hui, j’en subis les conséquences ; blague à part hein, en Mbeng, on tchop* son totem vrai vrai ! Tchiiiip

Lexique     
Know : connaitre              ;    Mbeng : Europe, Usa    ;    Travel : Voyage               ;    Kaolo: papiers
wanda : etonner              ;    ask : demander          ;     Mboa : bled                   ;    Do : argent
Nessa : N’est ce pas       ;    Nga  :  Fille               ;     Djo : Gars                    ;    Kako  :  Affaire
Lep : Laisser                ;     Pago : France            ;     Ndem : Malchance          ;    French: Français
Kamer : Camerounais     ;    White : Blanc            ;      Work : travailler           ;     Bindi : Petit
Tèmè : Fatigué            ;     Cut : Couper             ;      Big : Grand                ;      Tchop : Manger
Kumba : Ville au Cameroun / Couper son âge

Auteur : LGM

Passionné d’art contemporain et de culture afro, j’aime la cosh, l’humour et l’écriture. Regardeur de jolies filles au carrefour (sauf en hiver), ancien katika au Djambo, j’adore la combinaison okok + saucisse de manioc en robe de raphia et fibre de bananier. Mon tag préféré : ‘’sourire’’.