Interview : Franck Gérard Kom « Kankan au-delà de nous faire rire, nous a interpellé dans beaucoup d’aspects de notre société… »
Bercé dans sa jeunesse comme la plupart des camerounais de son époque, ainsi que ceux bien avant lui, par les sketchs de Jean Miché Kankan, Franck Gerard Kom s’est fait le devoir de rassembler une bonne partie des œuvres de ce dernier dans un livre qu’il a intitulé « Les sagesses de Jean Miche Kankan ». Dans cet ouvrage de 149 pages soutenu par les éditions du Muntu, l’auteur décrypte les thématiques à succès abordées par l’humoriste lors de ses mises en scène. Des sujets qui sont toujours d’actualité vingt ans après sa mort. Pour comprendre pourquoi un livre a été rédigé pour véhiculer le message du phénomène Kankan, Auletch est allé à la rencontre de l’auteur derrière cette idée.
Bonjour Franck Gérard Kom et bienvenue sur Auletch. Mais avant de poursuivre notre entretien est-ce que tu peux te présenter auprès des letchois qui ne te connaissent pas encore ?
Merci AuLetch pour l’opportunité. Qui est Franck Gérard, sinon un jeune camerounais ingénieur informaticien polytechnicien, passionné de culture africaine, de musique et de cinéma afro en particulier, passionné aussi de basket et daerospatial. J’ai des responsabilités dans une multinationale des Télécom de la place et suis aussi activement engagé dans la vulgarisation de la pratique du management de projets en Afrique.
Vous n’êtes pas un nouveau venu dans l’univers littéraire au Cameroun puisque à votre actif vous avez déjà publié deux œuvres. Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire un livre inspiré de des œuvres de Jean Miché Kankan ?
En effet, j’ai déjà publié en 2012 deux livres, dont l’un a été annoncé au public au CCF. Et pour la petite histoire, un aîné m’avait demandé durant la séance dédicace quel serait mon prochain projet, et j’avais spontanément répondu un livre sur Kankan. Bien qu’à cette époque, je n’avais que des ébauches de mes pensées sur certains de ces sketches. Je pense avoir pris la décision de me jeter sérieusement à l’eau ce soir-là. Mais honnêtement, ce sont des situations professionnelles au début de ma carrière, qui m’ont régulièrement ramené à Kankan. Je trouvai dans ses répliques et ses expressions, en prenant du recul, comme des clichés des situations quotidiennes. Bien sûr ceci n’est qu’une réponse partielle car je ne peux expliquer pourquoi c’est Kankan qui me répondait, bien que comme beaucoup j’ai écouté ses sketches dans mon enfance.
Écrire sur les œuvres de Jean Miché Kankan était plus bénéfique que d’écrire sur l’homme ? Pourquoi ce choix ?
Très bonne question. Pour dire vrai je connais très peu l’homme, mais dans l’art de manière générale, il est important de dissocier l’œuvre de l’homme. C’est vrai dans tous les domaines de l’art. Historiquement d’ailleurs il n’est pas étrange pour des artistes d’utiliser leurs personnages pour véhiculer leurs messages. Le personnage de Kankan est un génial reflet d’une époque de la société que l’on peut penser dépassée mais qui en regardant de près reste actuelle. D’autre part nous vivons un temps de la communication instantanée et fugace, des réseaux sociaux, qui ne laisse pas d’espace à la réflexion sur des thématiques relatées et mises en scène par des personnages comme Kankan. Quand je me suis posé la question de faire une biographie ou non, mon choix s’est assez vite porté sur le personnage car l’utilité et la pertinence des messages s’avèrent urgents à mon humble avis pour nos sociétés.
Créer du contenu sur Jean Miché Kankab demande non seulement de l’énergie, mais aussi beaucoup de recherches. Malgré votre emploi du temps chargé, vous avez réussi à écrire un livre de 149 pages. Comment êtes-vous entré dans le processus de création ?
Une étape à la fois, une expression à la fois, un sketch à la fois, une analyse à la fois. Les premiers pas en 2012, les derniers en 2021, en passant par de nombreuses relectures et révisions d’angles de réflexion. Et pour être honnête, je pense avoir arrêté là où 500 pages additionnelles seraient encore possible tellement ce personnage est riche d’enseignements. Peut-être aura-t-il un tome II, qui sait?
Pourquoi avez-vous nommé votre livre « Les sagesses de Jean Miche Kankan » ?
Ce titre est aussi le fruit de plusieurs réflexions, en partie avec l’éditeur. Les leçons, l’essentiel, les réflexions, etc. Mais au fil des relectures, nous serons frappés par la pertinence dans la durée de ses constats, au point d’être convaincus que l’artiste lui-même ne réalisait certainement pas la portée de son œuvre. Le temps semble s’être arrêté durant les 40 dernières années. D’où le mot sagesse, venant d’un sage, Kankan.
L’ajout des illustrations à chaque chapitre n’est pas un peu vieux jeu ? Ou c’est une manière de rester dans l’esprit du personnage ?
Bien au contraire. Les illustrations ne sont faites au hasard, chacune résume la sagesse du chapitre, un peu comme un album photo. D’autre part, nous sommes à une époque de communication très imagée, avec les réseaux sociaux. Pour un public jeune, il nous a semblé pertinent d’allier au texte ces clichés afin de captiver l’intérêt du plus grand nombre. Et je peux dire que notre confrère a fait un travail très apprécié.
On connaît tous la créativité incommensurable de Jean Miché Kankan mais surtout la notoriété de son personnage. Avez-vous déjà eu l’impression de porter une lourde tâche ?
Tout à fait. Surtout lorsque l’on m’interpelle par ce nom Kankan ou bien que l’on me demande d’interpréter un de ces sketches, ce qui n’est pas du tout de mon registre. Cela dit, comme Kankan le dit si bien, « est-ce que l’homme refuse son travail? ». J’ai choisi de partager des perspectives sur les messages profonds de l’artiste, car j’y crois. Aussi, pensez-vous que votre apport littéraire sera aussi intemporel que les textes de Jean Miche Kankan ? Pas autant que Kankan. Car avec le temps, j’espère que d’autres feront plus d’œuvres encore plus riches et sous diverses formes. Un livre ne suffit pas pour la dimension de cet artiste. Mon vœu est de voir ce livre au programme scolaire mais aussi comme livre de chevet de beaucoup d’africains.
Est-ce qu’un seul livre suffit vraiment pour développer toutes les idées de Jean Miché Kankan ? Sinon pensez-vous à une suite ? Après le cinéma, aujourd’hui la littérature. Sous quel angle peut-on encore se positionner selon vous pour parler de Jean Miché Kankan ?
Comme je l’annonçais en effet, non un seul livre ne suffit pas. Il faut une biographie exhaustive, un livre sur la troupe théâtrale, un recueil de ses sketches en ligne ou sur support média, des ateliers, etc. On peut aussi explorer le personnage de Hélène et la place de la femme dans la société. Personnellement j’envisage à moyen terme une version traduite en langue anglaise.
Le livre parle plus à une certaine génération ou à tout le monde ?
Il va certainement interpeller une génération, celle des années 80, mais il s’adresse à tout le monde, en particulier aux jeunes. 40 années sont passées, et l’on a tendance à penser que tout est nouveau sous le soleil, alors que quasiment tout a été déjà vécu par le passé par d’autres, et il serait plus sage d’en tirer les leçons pour un meilleur futur.
Plus de vingt ans après, est-ce que vous avez le sentiment que la jeunesse d’aujourd’hui a pris conscience de l’héritage laissé par Jean Miché Kankan ?
Non dans la grande majorité. Le monde de la jeunesse c’est la télé et les réseaux sociaux, ainsi que l’école. Malheureusement Kankan n’existe pas dans ces sphères aujourd’hui. Il faut déjà vulgariser son héritage et ensuite avec le temps, un jeune à la fois, j’ai l’espoir que ça se fera.
Au regard de l’analyse que vous faites sur chaque thématique et des leçons qui sont développées, est-ce qu’il est possible de voir un jour cet ouvrage au programme scolaire ?
C’est vraiment mon souhait. Je ferai le maximum pour ça. Mais ça ne dépend pas seulement de moi.
Quelle est votre citation préférée ? Et pourquoi ?
Pourquoi tu fais ton travail comme si c’est le travail de quelqu’un d’autre? Kankan est déçu de l’attitude du policier corrompu qui pour lui extorquer des fonds multiplie les subterfuges. Kankan est frappé par la complexité d’une tâche aussi simple que donner la liste exacte de ce qu’il faut pour faire une carte d’identité. Cette citation comme je l’explique de retrouve partout dans la société, et je pense que plus de 50% du temps de travail est perdu et gaspillé dans ces circonvolutions et paresses dans lesquelles beaucoup se complaisent. Faire son travail semble extraordinaire dans un environnement où le modèle est souvent d’avoir des intérêts et avantages pour un travail pour lequel on a convenu déjà une rémunération. On devrait re-enseigner la valeur du travail, du bénévolat, du bien commun, depuis la maternelle.
Un mot à l’endroit des personnes qui n’ont pas encore lu votre livre et qui aimeraient l’acheter ?
Kankan au-delà de nous faire rire, nous a interpellé dans beaucoup d’aspects de notre société, et j’invite chacune et chacun à découvrir ma perspective sur ces messages. Le livre est disponible aux édition Muntu, à jaba space, sur Amazon, dans diverses librairies (Cène littéraire à Yde, AFC Dschang, Fnac Douala). Bonne lecture. Auletch
Charly ngon
Molah ne te fie pas à mon name, je ne suis pas un mbenguiste, je suis du bled comme toi. Les hauts et les bas sont notre quotidien, donc ne fia pas c'est entre nous quoi ... comme au letch
Voir tous les articles de Charly ngon