Comment faire un CV de “Plongeur”?
Faire un CV n’est pas difficile. Depuis le bled*, on en faisait pour des demandes de stage, d’emploi et autres. Cependant, ce n’est pas si facile que ça non plus. Je suis sûr qu’après ces quelques mots et en plus du titre, beaucoup pensent avoir cerné le contexte ou du moins la thématique de cet article, détrompez-vous ! Vous êtes dans le ndem*!
Commençons donc ! Te voilà qui te prépare à partir en Mbeng* très bientôt non ? Tu as déjà toi tracé ton chemin dans ta tête, en grande partie à partir d’idées reçues. Tu know* que, gars, je vais moi faire mes études et avoir mon petit job à côté tranquille. J’aurais mon petit salaire à la fin du mois, mon petit appart … oui oui appart et non une chambre de 9m². Il y a le job nooon ? Donc les do’os pour le loyer aussi, CQFD. Ta certitude est accentuée par tes amis de Mbeng* qui te racontent souvent comment ils étaient au boulot et tout. Voilà comment un gars est sûr de lui hein ! Sauf que mon ami, entre ce que tu entends au téléphone ou lis dans les mail ou sur Facebook et la réalité que beaucoup vivent, il y a un énorme fossé.
Voilà comment un gars arrive chaud chaud en Mbeng*. En général, en été, car la rentrée académique se déroule en septembre – ah moff midéé*!! C’est la fourrure autour du cou que tu veux voir quand il sort de l’avion ?
La première année, oh là là! La vie est belle. En dehors des tracasseries administratives, le gars vit bien. Quand ses amis partent pointer, il est lui à la maison ; il dit qu’il n’aime pas sortir quand il fait froid, il préfère sa couette. Il n’a pas encore compris la vrai signification du mot job. Lui quoi ? C’est sa première année noooh ? Il a encore la Caution. Chaque mois, mbindi* virement dans le compte bancaire – nessa* il a déjà la carte de crédit ? Sa passion, c’est le shopping, go au school* de temps à temps, regarder la tv et tuer* avec sa nouvelle CoCo* (ton type n’a même pas lui eu les problèmes de jachère, un gars bien).
La vérité d’un gars, enfin sa réalité, commence à sortir à la fin de la première année. Son confort commence à se confondre. Tu croyais que la vie était belle hein mon type ? C’est là alors que tu vas comprendre pourquoi le chien court toujours mais il ne transpire jamais.
Comme je disais, la fin de la première année c’est aussi la fin des virements mensuels de la Caution, mais surtout pas la fin des problèmes. Tu vas apprendre à avoir froid en été et chaud en hiver. D’abord même, tu as le choix ? (en dehors des gens prêts hein, tous les doigts de la main ont le même proprio, mais pas la même largeur). C’est là que tu begin* à chercher des jobs sur le Web, mais tu fais le tri, tu simplifies les promeneurs de chien, les laveurs de plats (plongeur), les agents de sécurité dans les magasins. Tu cherches seulement les ways* forts ! Du courage mon type ! Cherche tes ways* forts heinn ! Reste là-bas, nous on va faire le reste. Quand ça commence à cuire sur toi, tu cherches les petits boulots là, mais dans les zones un peu retirées, genre tu es sûr qu’on ne va pas facilement tomber sur toi par hasard. Tu as menti ma personne ! Mbeng* est grand mais minguili* en même temps ! Les gars sont partout, on va te voir tôt ou tard, et ça sera une go* que tu calculais même.
Jusque là, rien ne marche. Tu confirmes que le tour ci, même si c’est quoi je prends je fais seulement, si ça paye mon loyer, ça va : Est-ce que tu as encore le choix ? Il n’y a plus la Caution pour te vanter (J’évite de parler de l’autre qualité de Caution qu’on connait là, ce n’est pas le sujet aujourd’hui). Là encore, tu confirmes que même le n’importe quoi comme boulot là, tu ne trouves pas ; ce n’est pas facile, mais alors pas du tout ! C’est là que tu comprends pourquoi tes amis louent une chambre et toi un appartement. Tu étais bien né, mais ça c’était avant…
Petit déménagement en zone éloignée d’abord, le loyer y est abordable. C’est en fait là que ton vrai Mbeng* commence, tu arrêtes même de whitiser*. Tu deviens maître des citations et des proverbes – j’ai pitié de tes amis Facebook à ce moment là ; tous les matins il auront droit à un proverbe leur rappelant que la vie ce n’est pas le lait. – Et c’est donc là que tu apprend à faire un CV de plongeur. Pas vos choses du pays où tu alignes tous tes diplômes dessus jusqu’à mettre même les mentions associées et les appréciations de tes professeurs. Mon ami, tu es dans le ndem ! Les restaurateurs n’ont pas besoin de quelqu’un qui réfléchit pour plonger. On veut celui qui va exécuter les ordres sans mettre l’école sur ça. Mais bon avec de la patience et de la chance, tu finis peut-être par trouver quelque chose, même si c’est pour deux jours. En tout cas, le cumul d’expériences, c’est bon pour le CV. Le tien est d’ailleurs long comme l’axe lourd Ydé-Paris, avec en titre EXPERT LAVEUR DE PLAT et en sous-titre : Même les marmites je prends, et tu en es fier comme si c’était le Bac Tchadien. Tu es devenu maître de la sécurité dans les supermarchés. Tu repères les voleurs, alors qu’ils ne sont pas encore entrés dans le magasin (Homme fort). Tu laves les sols jusqu’à gronder même qu’on attende que ça sèche avant de passer. Tu es un maitre-chien alors qu’au pays tu ne passais jamais à côté de Médor, le chien du voisin. Ah Moff Midéé* plus expert que toi il n y a pas.
L’affaire là n’est pas facile. Il faut être préparé à ça, et dans toute situation, laisser son orgueil, son ego surdimensionné du Mboa* et rester humble en Mbeng*. Sachez-le, l’humilité, ça aide!
STOP aux préjugés limités, faux ou inutiles, la vérité c’est ça, et ça c’est la réalité.
Légende :
Mbeng : Occident, Europe, USA, ..
ah moff midéé : Oh lala
Know : Connaitre
kill : Tuer
anyway: En tout cas
mbindi: Petit
nessa: N’est-ce pas
school: Ecole
Coco: Petite Amie, conjointe, copine
Begin: Commencer
Ways: Choses
Minguili: Petit
Whitiser: Parler avec accent français
Kwat: Quartier
Mboa: Bled (Afrique)
Plongeur : Laveur d’assiettes
LGM
Passionné d’art contemporain et de culture afro, j’aime la cosh, l’humour et l’écriture. Regardeur de jolies filles au carrefour (sauf en hiver), ancien katika au Djambo, j’adore la combinaison okok + saucisse de manioc en robe de raphia et fibre de bananier. Mon tag préféré : ‘’sourire’’.
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