Cahier d'un retour au continent natal...la mode made in Africa - Auletch

Cahier d’un retour au continent natal…la mode made in Africa

Publié le 25 juin 2013, par LGM

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Je ne sais pas vous mais moi einh (vous remarquerez que j’utilise beaucoup le « einh » dans mes phrases, histoire d’insister quoi !!), surnommée Pégase dans mes années Collège (d’où mon nom de code), lorsque j’arrivais à Mbeng[1] j’étais trop contente quoi. Parce qu’au pays là, côté fringues, je trouvais ça nul. A Mokolo[2], le centre commercial préféré de tout Ngola[3], on trouvait des choses einh (mama, c’est la Spice Girls ou la dernière tenue de Britney Spears que tu cherches ??? le Camer est trop fort)… Mais vraiment lorsque tu étais de forte corpulence comme moi, il fallait réserver ta journée pour fouiller et trouver quelque chose de « portable ». Et comme j’y allais tout le temps avec la mater et mes tantes, et que j’étais plutôt (allez j’avoue !!!)… difficile, et la chaleur n’aidant pas, la journée se terminait très souvent ainsi : « bon on va aller au secteur des kabas[4], là bas au moins on est sure de trouver quelque chose qui t’aille » ou encore « façon tu prends le poids là… hum ! J’ai quelques pagnes à la maison, on ira chez la couturière pour qu’elle te fasse quelques tenues de sortie» (je ne vous dis pas que la couturière en question, aucune notion de stylisme. Elle reprenait les mêmes modèles datant de l’Age de la pierre taillée et les reproduisait d’âges en âges…pffff). Bref vous comprendrez que j’ai développé une véritable haine pour tout ce qui est kabas ou tenues en pagne cousues « sur mesure » par des couturières ayant appris le métier sur le tas et n’ayant aucune notion de la mode (du moins tel que définie par nous les « djeun’s »).

Mon rêve était donc d’arriver à Mbeng pour pouvoir (enfin !!!) me lâcher. A 18 ans, je débarque donc dans le fameux mbeng pour une durée indéterminée. Tous mes sous y sont passés, j’y ai même sacrifié de nombreux kilos ce qui m’a fait un bien fou je vous avoue car je pouvais me permettre de plus en plus de choses avec des kilos en moins.lol. Je crois que vous êtes très nombreuses à savoir de quoi je parle.  Mais de plus en plus, en marchant dans les rues, je me suis rendue compte que toutes les gos[5] là dehors étaient habillées comme moi (na wéti ???[6]). Eh oui ! L’inconvénient de ce Mbeng c’est que pour s’habiller à coût raisonnable (après tout je n’étais encore qu’une pauvre étudiante !!!), il fallait se chercher dans les prêt-à-porter de « masse » ( j’ai en tête quelques enseignes dont je tairai le nom bien sûr… mais je crois que Haute Mode[7] remporte quand même la palme d’or.lol). Bref comme toute jeune Camer qui se respecte, j’aime être unique et ne pas me retrouvé en face de « copié-collé ». J’ai l’impression de perdre mon identité face à cet effet de masse.

Un jour, à l’approche de l’été je décide donc de faire mon vide-grenier comme les mintan’an[8] (il parait qu’il faut s’intégrer ! tsuipp). Je ressors donc les vieilles valises avec lesquelles j’avais débarqué de mon cher pays natal et que j’avais laissées à l’abandon pendant des années. Et là…je tombe sur des tissus colorés, des motifs uniques, magnifiques, magiques (merci à la mater de m’avoir forcé à mettre ces fichues tenues en pagne dans mes valises à l’époque !!) qui ne ressemblaient à rien de ce que j’avais pu voir jusque là dans les boutiques de mode européennes. Bon juste pour préciser, il n’y a que les tissus qui m’ont captivé einh parce que hors de question de reporter ces modèles là (la honte !!!) qui de surcroît, étaient devenues beaucoup trop larges pour moi. Lol. Bref je m’aperçois finalement que ces tissus me ressemblent et m’identifient en tant que « moi », tout simplement ! C’est ainsi que je tombe vrai vrai AMOUREUSE du pagne et je me dis qu’il mérite d’être valorisé (surtout chez nous les jeunes africains expatriés qui l’avions presque banni de nos vies et qui très souvent en avions une image « révolue »!!!).

Je me rends vite compte après des recherches (merci Internet !!!!) et quelques voyages au Mboa[9] que la mode y a évolué, que nous avons des artistes de talents bien formés qui travaillent les tissus et matières de chez nous d’une manière plus moderne et revisitée et que finalement l’Afrique a beaucoup son mot à dire dans le domaine de la mode. D’ailleurs la tendance récente de stars portant des tenues en pagne (Béyoncé, Solange Knowles, Inna Modja …etc) et d’évènements de plus en plus dédiés à la mode « ethnique » (Labo Ethnic Fashion Weekend, Black Fashion Week…) nous le démontre.

Mon grand regret jusqu’ici était de voir les occidentaux valoriser « nos » choses à « notre » place (même Haute Mode s’est mise à surfer sur la vague du pagne dans ses collections. Vraiment einh !!!!)… Donc franchement mon credo c’est jeunesse africaine, soyons les premiers acteurs de la valorisation de nos richesses et prenons le lead de notre propre développement. L’une de mes grandes fiertés est donc de voir de plus en plus de pages et groupes créés sur les réseaux sociaux par de jeunes africains (créateurs ou amateurs) pour partager cette mode qui nous caractérise (je pense notamment à N’kya Designs, Le Pagne Africain : Fierté de la Femme Africaine Elégante, African Pulse,  Pagnifik, Dora Moti, Undangarou, sans oublier mon cher groupe Africani’tud … et j’en passe).

Ma devise est donc de valoriser nos artisans et artistes africains qui sont très souvent méconnus plutôt que de faire la promo de ces grandes chaines de magasin qui tout d’un coup se prennent d’affection pour « nos » tissus africains, tout ça pour servir leurs propres intérêts. A défaut de me répéter, moi c’est Pégase et je suis là pour que nous redécouvrions ensemble la mode « made in Africa »… j’espère que vous apprécierez ce voyage que j’intitulerai volontiers « cahier d’un retour au continent natal »[10].

Auteur : Pégase



[1] Mbeng = l’Occident.

[2] Quartier de Yaoundé où se situe l’une des plus célèbres friperies de la ville.

[3] Ngola= abbréviation d’Ongola. Ongola = Yaoundé en Béti.

[4] Robe ample cousue en tissu pagne, pouvant se porter longue ou mi-longue.

[5] Expression pour désgner les filles.

[6] Na wéti= exclamation désignant l’étonnement. Traduction française= C’est comment ? (merci à Jean Ndi Ansa de confirmer oh)

[7] Nom de code d’une célèbre enseigne française de prêt-à-porter.lol. Ceux qui reconnaitront tant mieux, pour les autres tant pis.

[8] Désigne les « blancs » en langue béti.

[9] Mboa = pays.

[10] En hommage à l’œuvre du célèbre auteur africain Aimé Césaire « Cahier d’un retour au pays natal ».

Auteur : LGM

Passionné d’art contemporain et de culture afro, j’aime la cosh, l’humour et l’écriture. Regardeur de jolies filles au carrefour (sauf en hiver), ancien katika au Djambo, j’adore la combinaison okok + saucisse de manioc en robe de raphia et fibre de bananier. Mon tag préféré : ‘’sourire’’.