Asêm, une chefferie sous l’autorité des femmes

Asêm, une chefferie sous l’autorité des femmes

Publié le 4 juin 2020, par Charly ngon

La chefferie d’Asêm est une exception dans l’histoire des chefferies au Cameroun, bien avant l’arrivée des colons, cette localité était dirigée pendant une bonne période par les femmes.  

Credit Photo: Page Facebook de la communauté Vuté, Babouté

Dans la grande majorité des littératures qui sont consacrées aux chefferies du Cameroun, il est difficile de trouver une, faisant la part belle aux femmes qui ont été à la tête d’une chefferie. C’est même d’ailleurs rare d’en trouver, puisque la plupart de récits qui sont servis, ne font que l’éloge des épopées des chefs ( hommes) qui ont marqué l’histoire. Pourtant dans cette histoire des peuples, il y a eu celle des femmes qui n’ont pas seulement joué les seconds rôles, mais aussi les premiers rôles dans les chefferies au Cameroun avant que les choses ne changent. Elles avaient en charge le bien-être de tout une communauté, et elles ont su se démarquer par leur bravoure. C’est le cas par exemple de la chefferie d’Asêm, où avant que le colon ne vienne y mettre un terme, elle a été pendant longtemps sous l’autorité des femmes.

Asêm une chefferie traditionnelle pas comme les autres

Selon les témoignages oraux, Asêm appartenait au département du grand Mbam dans la région du centre du Cameroun. Cette localité était située à quelques kilomètres du Canton Ngoro dont elle dépendait avant la délimitation territoriale. Avec l’éclatement du grand Mbam en deux départements, on pourrait situer Asêm aujourd’hui dans le Mbam-et-Kim. Cependant, parmi les villages qui sont sous l’autorité de ce nouveau département, il y a là un qui porte le nom de Yassem, difficile de dire si c’est une transformation du nom Asêm, qui lui n’existe plus, mais ceci reste encore à confirmer.

Lorsque les autorités coloniales ( Allemand) arrivent pour la première fois dans cette bourgade, ils sont surpris de constater que le village Asêm n’est comme les autres. Ici les populations s’accommodent bien avec le fait d’avoir à la tête de leur chefferie une femme. D’ailleurs cela n’a jamais posé un problème à quiconque, puisque ça toujours été comme ça. Pour le colon, c’est non seulement quelque chose de nouveau, mais aussi de délicat. Mais les Allemands, égale à leur réputation n’étaient pas du genre à négocier, ils étaient connus pour leur barbarie. La moindre insubordination d’un chef à leur égard, était rapidement réprimandée, et de la plus forte des manières. Tous les villages où ils sont passés, ils ont soumis tous les chefs ( hommes), les résistants étaient mis à mort. C’est ce qui est arrivé à la dernière Mimboo d’Asêm. Nous allons nous intéresser au contexte particulier qui a été à l’origine de la désignation d’une femme comme chef de village à Asêm.

L’histoire des trois frères à l’origine du village Asêm

L’histoire raconte que, trois frères nommés Ndilé, Togokomé et Nchila sont partis de la région de Nanga Ebogo plus précisément de la chefferie de Bavek à ka, pour venir s’installer au pied de la montagne de Nantchéré vers 1700. Difficile de connaître les raisons de leur départ, mais on peut supposer que, c’était dans la logique selon laquelle, lorsque un garçon avait atteint un certain âge, il pouvait quitter sa famille d’origine pour aller fonder la sienne, peut-être aussi c’était pour une affaire de succession. Pour éviter tout contact avec les anciens membres de leur famille, les trois frères sont allés à bonne distance de leur village d’origine.

Les Asêm font partie de la grande famille Bavek qui sont constitués d’une communauté patrilignage, où le pouvoir se transmet de père en fils. Les trois frères ne font pas suivre cette logique ancestrale qui veut que ce soit l’aîné qui dirige une chefferie. Il se pourrait que, le choix de faire de leur sœur ( Nsaléné) Mimboo ( nom pour désigner le chef) d’Asêm, c’était pour éviter une éventuelle mésentente entre eux. C’est la raison pour laquelle, le système de succession qui a été mis en place, était bien outillé à faire en sorte qu’il n’y ait pas des contestations dans le choix d’une nouvelle personne à la chefferie. Au total, ce sont huit femmes qui ont dirigé cette chefferie avant que les hommes ne prennent la tête de la chefferie.

Le mode de succession dans la chefferie Asêm

 Pendant une bonne période, l’ordre de succession se faisait entre les femmes du village. A la différence que, une fille ne pouvait pas succéder à sa mère. Le principe était tel que à chaque succession, il fallait changer la lignée gouvernante antérieur pour installer une autre. Le but était d’éviter la création des dynasties comme cela se faisait dans d’autres chefferies. Les critères de sélection étaient basés sur la capacité des postulantes à pouvoir gérer les crises, à prodiguer les conseils et à faire l’unanimité au sein du conseil des sages. Celui-ci était dirigé par les Wari, un groupe de personnes adultes qui représentait les quatre grandes familles de la communauté.

Lorsque la nouvelle souveraine était choisie, elle était soumise à des rites d’intronisation sous le contrôle des Wari. Le visage de la nouvelle souveraine était recouvert d’une poudre jaune dite la poudre du chef qu’on utilisait aussi sur les gémeaux en guise de prospérité. Puis on lui remettait un sac de raphia contenant les fétiches pour assurer son autorité et sa protection. Dans ce sac, il y avait plusieurs objets et chacun avait un rôle bien précis. Il y avait des pierres rondes et lisses, des graines provenant d’un arbre appelé Djomé, puis un faisceau de cannes. Il faut noter toutefois que, même si ce système de rotation ne permettait pas à une famille de gérer assez longtemps une chefferie, il y avait aussi de fortes probabilités de voir une descendante d’une ancienne souveraine prendre la tête de la chefferie. Lorsque la souveraine décédait, elle était enterrée en toute discrétion par les Wari sous le pied d’un fromager. 

Auteur : Charly ngon

Molah ne te fie pas à mon name, je ne suis pas un mbenguiste, je suis du bled comme toi. Les hauts et les bas sont notre quotidien, donc ne fia pas c'est entre nous quoi ... comme au letch