À la rencontre de Skriim, le héraut de la musique électronique au Cameroun

À la rencontre de Skriim, le héraut de la musique électronique au Cameroun

Publié le 7 décembre 2017, par Mota__Savio

Figure de proue de la musique électronique au Cameroun, à coups de sonorités nouvelles, de mixs et d’une première mixtape originale, Skriim s’apprête à sortir sa deuxième mixtape intitulée « Je Ne Suis Pas DJ.Vol 2 ». À cette occasion, nous l’avons rencontré pour parler de sa musique, ses influences, son univers électro, et l’histoire derrière son masque…

Skriim / Facebook

 Il est midi au Café Les Champs Elysées, un restaurant-bar situé dans la ville de Douala. L’équipe de Skriim nous a donné rendez-vous dans ce lieu calme mais surtout important pour lui. En effet, le 02 février 2017, le producteur de sons donnait son tout premier show case devant une cinquantaine de personnes dans ce petit espace à la déco simpliste. Par les vitres transparentes, on l’aperçoit de loin nous faire signe de la main, suivi de près par son manager. A l’intérieur, on se salue, d’un air détendu et sur un ton blagueur. Autour d’un verre de jus, l’artiste se met à table.

Evoquer le nom de Skriim n’est jamais facile dans un contexte dominé par des musiques afro – pop –  rap – hip hop et que sait-on encore ? Il suscite de la curiosité et l’étonnement. Paradoxalement, certains expriment un réel enthousiasme pour le style du jeune producteur camerounais – l’EDM en occurrence –  d’autres un rejet pour ce même style qualifié de « musique de blancs ». Cependant, Il n’a jamais cédé à la tentation de faire autre chose qu’une musique qu’il aime.

Depuis le début de sa jeune carrière, construite autour de ses projets solos mais aussi de son travail au sein du Collectif 3009 Rascal, un collectif d’artistes à l’éclectisme à la camerounaise, Skriim a prouvé son goût pour l’expérimentation, l’originalité et le risque. En effet, l’artiste n’a pas peur de remixer des titres de musique urbaine camerounaise comme il le sent, quitte à bousculer les habitudes musicales du public camerounais.

À l’occasion de la sortie de sa seconde mixtape « Je Ne Suis Pas DJ. Vol 2 » le 08 décembre – et avant son show case O Kmer à Bastos le 09 décembre prochain – nous avons rencontré le producteur de sons pour parler avec lui de sa musique, ses influences, ses espérances, son univers electro, les retours du public depuis ses débuts et l’histoire derrière son masque…

 

  • Bonjour Skriim comment tu vas ?

Bonjour, ça va bien !

  • Peux-tu te présenter aux letchois ?

Salut les letchois. Moi c’est Skriim. Je suis un artiste électro, compositeur de musique électronique, producteur de sons.

  • Comment tu te sens à l’approche de la sortie de ton nouvel EP ? 

Hmmm beaucoup de pression mais une bonne pression parce que contrairement à première mixtape où les gens n’attendaient rien en particulier ou alors ne savaient pas à quoi s’attendre. Là,  ils ont déjà eu un aperçu de ce que j’ai fait l’année passée et il y a une réelle attente et surtout vis–à-vis des artistes qui participent à la mixtape.

  • Pourquoi le choix du titre « Je Ne Suis Pas DJ » ?

C’était pour faire le distinguo entre un DJ d’animation et un DJ électro par exemple. Dans notre pays [Le Cameroun. NDLR], la plupart de temps, quand on dit DJ ça fait référence aux DJs d’animation qui animent dans un mariage, une boite de nuit ou qui va rassembler des chansons qui marchent sauf que la différence avec moi c’est que, 80% des chansons qui sont dans mes sets pendant mes shows sont mes compositions propres. Dans d’autres pays habitués à ce genre de choses, j’aurais juste dit DJ, on aurait compris directement la différence entre les deux. Sauf qu’ici il y a eu beaucoup ambiguïtés par rapport aux gens qui nous approchaient. En sachant qu’ici DJ renvoie à l’animation, je me suis dit que plutôt que de commencer à expliquer autant mieux mettre tout ça de côté d’un seul trait.

  • Depuis ta première mixtape sorti il y a un an, tu as la sensation que le regard du public par rapport à la musique électro a évolué ? 

Oui. Très perceptible d’ailleurs. C’est vrai que le public ne s’est pas retourné sur la musique électro juste à cause d’une mixtape mais il y a certains qui, depuis la première mixtape, vont découvrir et essayent d’apprendre un peu plus. Il y a certains qui arrivent dans l’univers électro et se rendent compte que ce n’est pas pour eux et ils partent d’autres qui découvrent de sonorités intéressantes. Maintenant vis-à-vis de ma musique, il y a certains qui ont découvert avec la première mixtape et qui ont continué à suivre tout au cours de l’année avec les autres sorties. Donc jusque là ça va, la réception a été quand même positive.

  • Tu as deux mixtapes dans lesquelles tu remixes les titres à succès de musique urbaine camerounaise. Pourquoi ce choix ?

(Sourires) Déjà ce ne sont pas des titres à succès. La musique urbaine parce qu’avant d’être compositeur électro, j’étais beatmaker. J’écoutais beaucoup de cette musique. J’ai grandi dans cette musique. Du coup, artistiquement, je m’identifie plus au côté musique urbaine. Ça tombait un peu sous le sens que si je veux faire un truc, je serai plus attiré vers ce style  naturellement. De l’autre coté, c’était un prétexte pour présenter la musique électronique au public de musique urbaine. Car, présenter la musique électronique pure était un plus gros challenge que de diluer ça avec un truc eux ils connaissaient déjà. Du coup, il fallait présenter une musique qu’ils connaissent déjà mais sous fond de musique électron.

  • Donc tu profites du fait que la musique urbaine ait le vent en poupe au Cameroun…

Comme je disais ce n’est pas forcement des artistes connus. Ce sont des chansons qui me plaisent à la base. Maintenant c’est un avantage quand c’est une chanson qui a marché parce que ça va toucher plus de personnes mais ce n’est pas une condition.

Skriim / Facebook

 

  •  Quelle est la démarche avant de remixer les chansons de ces artistes ?

Tous les artistes ou les labels, avec lesquels on travaille, on les contacte d’abord, on leur présente le projet et on leur demande les a-cappella des chansons. Et vu que c’est un projet totalement gratuit, on leur explique tout dès le départ, et si le projet est intéressant, ils envoient les voix. Quand je fais la chanson, je leur renvoie la chanson et ils écoutent. S’ils trouvent que c’est bon, ils donnent leur OK, et quand c’est bon, on publie et on utilise.

  • Et tous les artistes contactés sont toujours réceptifs ?

Non ! Pas réceptifs dans le sens qu’ils n’ont pas aimé la chanson après que je l’ai travaillée mais plus par sécurité parce que c’est un truc qu’on ne connait pas. Si par exemple, je remixais en afropop, ils sauraient au moins à quoi ça aurait ressemblé or là c’est compliqué parce qu’ils n’ont pas vraiment de références. Ils se disent que ça peut ternir l’image de leurs artistes ou alors entraver ce qu’ils ont entrain de construire artistiquement ou juste que ça ne correspond pas avec leurs univers.

 

  • Avec quel genre de musique as-tu grandi ?

J’ai grandi en écoutant tout genre. Ça passe de Sally Nyolo, à Ekambi Brillant en passant par Kanye West, 2 Pac en terminant par Mozart. Pour moi la musique a toujours été tout ce qui me plait. Le seul style que j’ai eu du mal à comprendre est le zouk. Je n’ai jamais réussi.

  • . Quelles sont tes influences dans l’univers électro ?

Il y a Alison Wonderland, une compositrice et DJ australienne Flume, qui est aussi australien. Et les plus connus, David Guetta, Martin Garrix. C’est facile d’avoir plus de 25 artistes qui influencent, puisqu’il y a plusieurs styles. C’est très vaste.

  • Du coup, comment qualifies-tu ton style ?

Je fais d’abord la Trap. En EDM, c’est une déclinaison. J’ai eu une facilite a m’incliner e ce cote parce qu’avant j’étais beatmaker et comme j’étais dans le hip hop, les sonorités étaient pareils. Il y a aussi le Future bass, une sorte de Trap mais avec des mélodies plus accentuées et plus mélancoliques. Et l’électro-house qui est « boom boom boom », 100% électro. Et il y a un style que j’essaye de développer qui est plus de l’afrobeat avec les codes de l’électro.

 

  • Tu connais d’autres artistes électro camerounais ?

Oui j’en ai découvert certains. Chinjong X Chinjong qui est un duo et Jackson Njime basés à Buea, Ghislain Laroche à Yaoundé.

  •  Ça fait un an et demi qu’on parle d’une scène électro. Est-ce qu’il y a une place pour l’EDM au Cameroun ?

Oui je pense qu’il y a une place pour tout genre de musiques au Cameroun hein…

  • Même pour une musique qu’on qualifie de « Musique de blancs » ?

Oui. Il y a des blancs au Cameroun donc voila, forcément il y a la place pour la musique de blancs au Cameroun. Mais au delà de ca, je ne pense pas que la musique soit une affaire de région ou de pays. La musique touche les gens peu importe d’où ils viennent. L’électro aura une place peu importe l’endroit tant qu’il y a des gens qui aiment cette musique dans cet endroit. Au Cameroun par exemple, s’il y a des gens qui aiment et qui écoutent cette musique, du moment qu’il y a une personne autre que moi qui aime cette musique, il y a une place pour cette musique au Cameroun.

  • Après tes shows du Café Les Champs Elysées, SO BBQ, Mama Mia et au Street Corner à Yaoundé, quel est ton meilleur souvenir jusqu’ici ?

(Sourires), C’était au Street Corner, j’avais négocié un passage avec un DJ connu pour trente minutes de mixage à la fin de sa soirée. Sauf qu’au cours de la soirée c’était un peu timide. Du coup, il m’a fait venir plus tôt que prévu et j’ai commencé à jouer et ça a pris, remit une bonne ambiance. C’était comme mon concert. Les gens venaient vers moi me dire que c’était super et même les organisateurs m’ont recontacté après pour me dire que la soirée était bien gérée. C’était cool !

 

  • Revenons à « Je Ne Suis Pas DJ ». Quelle est la différence entre le volume I et le volume II ?

Dans le volume I, au niveau créatif, j’étais un peu moins avancé qu’aujourdhui. Quand je l’écoute, j’ai l’impression que je n’ai pas vraiment exploité les chansons. J’étais très limité à ce moment, les chansons n’étaient pas très éloignées les unes des autres, pour ne pas dire qu’elles se ressemblaient un peu. Au niveau technique même, les techniques de mixages, les finissions, je pense qu’en un an, j’ai beaucoup évolué. On peut s’attendre à de belles choses.

  • Ce n’est donc pas une suite logique…

Non il n y a pas une suite logique. Tous les singles que je sors ne sont pas gratuits. L’idée de la mixtape est de pouvoir donner au public un produit totalement gratuit comme un cadeau de fin d’année. Et le fait qu’il y ait d’autres artistes sur le projet, font que pour l’instant, on ne veut pas mettre l’argent dessus.

Skriim / Facebook

  • Tu te contentes de remixer des chansons déjà connues mais à quand tes propres compositions sur une mixtape ?

C’est prévu mais déjà je me lance avec un style pas connu. L’idée des mixtapes c’est de faire venir les gens vers ce que je fais au fur et à mesure. Si je lance une mixtape, avec uniquement mes compositions électro mais j’ai l’impression que ce sera un gros changement, des efforts au public de comprendre et de consommer.

  • A quand ton tout premier vidéogramme ?

Ce sera surement avec l’EP hein. Pour l’instant rien n’est calé !

  • D’ où te viens cette idée de porter un masque ?

On avait un projet avec un groupe d’amis, 3009 Rascal. L’idée était de présenter l’art pour l’art et le mettre à disposition des gens qui ne consomment que l’art sans faire attention à ceux qui sont derrière. On a mis en scène des personnages virtuels qui allaient nous représenter. Et c’est parti de là. Sauf que quand j’ai pris l’electro, je pensais faire des compositions dans ma chambre et distribuer sur Soundcloud. Le besoin de la scène s’est un peu imposé. Il fallait faire des représentations et trouver un moyen de se mettre devant les gens sans me mettre en avant en tant que personne et toujours mettre l’art. Du coup il fallait couvrir mon visage pour que les gens ne fassent pas attention à qui est entrain de faire le truc qu’à ce qu’il est entrain de faire.

  • Tu essayes de dissimuler ta timidité ?

Non pour moi c’est juste un accessoire comme Michael Jackson et son gant en or ou encore Douleur qui se cachait aussi le visage.

  • Avant de terminer, parle-nous de ton show du 09 decembre…

Les gens auront droit à un spectacle électro de Skriim. Il y aura la présentation officielle et live de la mixtape. Et l’occasion d’entendre ça sur des meilleurs baffles pendant deux heures et plus.

  • Un dernier mot…

Merci aux letchois pour le soutien et écoutez de la bonne musique.

Auteur : Mota__Savio

Mollah, moi je suis Africain hein ! Camerounais et fier de l’être. Team: Vert-Rouge-Jaune ô Bosso. Internet ma muse, je n’oublie pas pour autant le ndolè et les missolè de mes ancêtres. Bref, je suis un gars comme vous : Un gars « connecté ». Hein ! Mollah